les mémoires de Fabien Cyr (2)
Deuxièmes partis
Suite aux mémoires de Fabien Cyr. Au matin, il faisait froid dans les cambuses. Des hommes se réveillaient avec du givre sur les moustaches et dans les cheveux. Dans ces conditions, on comprendra que personne n'avait le coeur à se laver, l'eau glacée donnait des crampes aux mains des braves qui s'obstinaient à se faire quelques ablutions matinales. Toute cette misère rapportait quatorze dollars par mois aux bûcherons. Malgré tout, le moral des bûcherons était bon dans les circonstances. Je me souviens d'eux comme d'une bande d'hommes généreux, ingénieux et rieurs... Chaque chantier regroupait, selon le cas, de soixante-dix à cent bûcherons. On s'y retrouvait dans le paradis des hommes forts, dont les exploits véridiques ou imaginaires étaient racontés par tout un chacun. La force physique phénoménale primait sur tout et faisait l'objet de beaucoup de discussions, de palabres et de paris. Les bottes de foin s'attachaient avec du fil de fer.
Or voilà que Jack Lannigan , d'une seule main, casse les attaches de fer d'une botte.
Cela ne surprendra personne puisque ce même Jack Lannigan, quelque temps auparavant, avait tué un ours avec ses deux poings. Ces récits et ces événements se racontaient à tout propos, en tous lieux, créant de l'étonnement et des plaisirs sans cesse renouvelés chez les bûcherons.
Les jeunes du temps se rappellent les cicatrices que portait Jack Lannigan, sur la poitrine, souvenirs de sa rencontre avec l'ours...
Les vestiges de cette exploitation intensive existaient encore il y a quelques années. Je me souviens que dans la forêt de pins qui forme l'extrémité est de notre terre, on trouvait encore d'énormes souches de pins à moitié pourries et elles laissaient deviner quelle sorte d'arbre géant poussait dans notre région. Et dans le champ qui fait face à cette forêt, une vieille dame qui demeurait chez nous, et que nous appelions "Mémère Forest" , racontait que lorsqu'elle était jeune, les gens venaient y amasser les bleuets à la chaudière.
Fabien, notre arrière-grand-père repose aujourd'hui dans le cimetière de la paroisse Saint-Raphael de Messines.
Mon grand-père, Joseph, s'est établi dans un autre endroit de la Gatineau qui, pour les jeunes d'aujourd'hui, ne signifie pas grand-chose, mais qui représente aussi une triste page d'histoire. La terre qu'il a défrichée était située près du village de Baskatong. Aujourd'hui, le mot Baskatong évoque un immense réservoir, un barrage et du touriste. Je suis allé voir cette terre; par basses eaux, seulement l'extrémité de la ferme est inondée. On y voit encore l'emplacement de la maison, des bâtiments de ferme, marqué l'été par de l'herbe qui pousse plus haut qu'ailleurs. On y retrouve encore les vieilles ornières du chemin de la ferme.
À cette époque, les paysans descendaient à Maniwaki, faire leurs provisions pour l'hiver, parce qu'une fois les neiges tombées, il n'était plus question de quitter la ferme ou le village. Lorque, l'on a construit le barrage, le village de Baskatong y compris son église a été démoli et l'emplacement est aujourd'hui inondé. Le même père Guinard raconte; "Plus au nord, on retrouvait un petit village à Baskatong. Avant la construction du barrage Mercier, le lac Baskatong avait quatre milles de longueur. Chaque hiver, la glace se crevassait dans les centres du lac d'où son appellation indienne de Baskatong qui signifie "crevasse". Une centaine d'adultes résidaient en permanence à cet endroit. Il y avait des Français, des Anglais, des Algonquins. La rivière Baskatong ne gelait jamais plus que quatre ou cinq jours dans les moments les plus froids de l'année.
Un vieux pont de bois tout branlant enjambait la rivière. Cette dernière allait se jeter dans la Gatineau.
Toutes les activités du Baskatong tournaient autour de la coupe de bois. Deux compagnies s'y trouvaient; la John Gilmore et la W,C Edwards. À l'exception des Indiens, tous étaient des bûcherons, mesureurs de bois, commis ou contremaître.
Le village de Baskatong disparu en 1929, avec la construction du barrage Mercier, sur la rivière Gatineau. Aujourd'hui, il se trouve à trente pieds sous les eaux du réservoir. Le père Stanislas Beaudry s'occupa de faire déménager les corps de l'ancien cimetière. Ils furent transportés sur les rives du réservoir actuel, où on les inhuma en un nouveau lieu. Le même père s'occupa aussi de faire démanteler la chapelle qui fut descendue en "cageux" jusqu'à Grand-Remous où l'on utilisa le bois pour la construction de la nouvelle église de Grand-Remous, l'église de la paroisse Saint-Jean-Marie-Vianney.
Suite à cette expropriation, mon grand-père s'est établi un moment à un endroit que l'on a peine aujourd'hui à situer, soit au Castor blanc. Serge Bouchard qui a préparé l'édition des Mémoires du père Guinard semble penser que l'emplacement du village de Castor blanc (ou Saint-Cajetan) est aujourd'hui très difficile à identifier parce que les données sur les distances que l'on retrouve dans les divers mémoires ne concordent pas. Toujours en est-il que mon grand-père a fini par aller s'établir à Montcerf. Il est né en 1882, le 7 mai. Je ne connais pas la date de son mariage à Délima Céré.
Mon père Joseph Cyr l'aîné. Il s'est marié à Mathilda Saumure à Bouchette, le 24 juin 1930. C'est ainsi qu'une branche de la famille Cyr, qui a habité presque tous les villages de la Haute-Gatineau, se retrouve maintenant à Bouchette.
Réf: Livre historique de Bouchette
Donald Cyr.
Recherche:Daniel Cécire
Suite aux mémoires de Fabien Cyr. Au matin, il faisait froid dans les cambuses. Des hommes se réveillaient avec du givre sur les moustaches et dans les cheveux. Dans ces conditions, on comprendra que personne n'avait le coeur à se laver, l'eau glacée donnait des crampes aux mains des braves qui s'obstinaient à se faire quelques ablutions matinales. Toute cette misère rapportait quatorze dollars par mois aux bûcherons. Malgré tout, le moral des bûcherons était bon dans les circonstances. Je me souviens d'eux comme d'une bande d'hommes généreux, ingénieux et rieurs... Chaque chantier regroupait, selon le cas, de soixante-dix à cent bûcherons. On s'y retrouvait dans le paradis des hommes forts, dont les exploits véridiques ou imaginaires étaient racontés par tout un chacun. La force physique phénoménale primait sur tout et faisait l'objet de beaucoup de discussions, de palabres et de paris. Les bottes de foin s'attachaient avec du fil de fer.
Or voilà que Jack Lannigan , d'une seule main, casse les attaches de fer d'une botte.
Cela ne surprendra personne puisque ce même Jack Lannigan, quelque temps auparavant, avait tué un ours avec ses deux poings. Ces récits et ces événements se racontaient à tout propos, en tous lieux, créant de l'étonnement et des plaisirs sans cesse renouvelés chez les bûcherons.
Les jeunes du temps se rappellent les cicatrices que portait Jack Lannigan, sur la poitrine, souvenirs de sa rencontre avec l'ours...
Les vestiges de cette exploitation intensive existaient encore il y a quelques années. Je me souviens que dans la forêt de pins qui forme l'extrémité est de notre terre, on trouvait encore d'énormes souches de pins à moitié pourries et elles laissaient deviner quelle sorte d'arbre géant poussait dans notre région. Et dans le champ qui fait face à cette forêt, une vieille dame qui demeurait chez nous, et que nous appelions "Mémère Forest" , racontait que lorsqu'elle était jeune, les gens venaient y amasser les bleuets à la chaudière.
Fabien, notre arrière-grand-père repose aujourd'hui dans le cimetière de la paroisse Saint-Raphael de Messines.
Mon grand-père, Joseph, s'est établi dans un autre endroit de la Gatineau qui, pour les jeunes d'aujourd'hui, ne signifie pas grand-chose, mais qui représente aussi une triste page d'histoire. La terre qu'il a défrichée était située près du village de Baskatong. Aujourd'hui, le mot Baskatong évoque un immense réservoir, un barrage et du touriste. Je suis allé voir cette terre; par basses eaux, seulement l'extrémité de la ferme est inondée. On y voit encore l'emplacement de la maison, des bâtiments de ferme, marqué l'été par de l'herbe qui pousse plus haut qu'ailleurs. On y retrouve encore les vieilles ornières du chemin de la ferme.
À cette époque, les paysans descendaient à Maniwaki, faire leurs provisions pour l'hiver, parce qu'une fois les neiges tombées, il n'était plus question de quitter la ferme ou le village. Lorque, l'on a construit le barrage, le village de Baskatong y compris son église a été démoli et l'emplacement est aujourd'hui inondé. Le même père Guinard raconte; "Plus au nord, on retrouvait un petit village à Baskatong. Avant la construction du barrage Mercier, le lac Baskatong avait quatre milles de longueur. Chaque hiver, la glace se crevassait dans les centres du lac d'où son appellation indienne de Baskatong qui signifie "crevasse". Une centaine d'adultes résidaient en permanence à cet endroit. Il y avait des Français, des Anglais, des Algonquins. La rivière Baskatong ne gelait jamais plus que quatre ou cinq jours dans les moments les plus froids de l'année.
Un vieux pont de bois tout branlant enjambait la rivière. Cette dernière allait se jeter dans la Gatineau.
Toutes les activités du Baskatong tournaient autour de la coupe de bois. Deux compagnies s'y trouvaient; la John Gilmore et la W,C Edwards. À l'exception des Indiens, tous étaient des bûcherons, mesureurs de bois, commis ou contremaître.
Le village de Baskatong disparu en 1929, avec la construction du barrage Mercier, sur la rivière Gatineau. Aujourd'hui, il se trouve à trente pieds sous les eaux du réservoir. Le père Stanislas Beaudry s'occupa de faire déménager les corps de l'ancien cimetière. Ils furent transportés sur les rives du réservoir actuel, où on les inhuma en un nouveau lieu. Le même père s'occupa aussi de faire démanteler la chapelle qui fut descendue en "cageux" jusqu'à Grand-Remous où l'on utilisa le bois pour la construction de la nouvelle église de Grand-Remous, l'église de la paroisse Saint-Jean-Marie-Vianney.
Suite à cette expropriation, mon grand-père s'est établi un moment à un endroit que l'on a peine aujourd'hui à situer, soit au Castor blanc. Serge Bouchard qui a préparé l'édition des Mémoires du père Guinard semble penser que l'emplacement du village de Castor blanc (ou Saint-Cajetan) est aujourd'hui très difficile à identifier parce que les données sur les distances que l'on retrouve dans les divers mémoires ne concordent pas. Toujours en est-il que mon grand-père a fini par aller s'établir à Montcerf. Il est né en 1882, le 7 mai. Je ne connais pas la date de son mariage à Délima Céré.
Mon père Joseph Cyr l'aîné. Il s'est marié à Mathilda Saumure à Bouchette, le 24 juin 1930. C'est ainsi qu'une branche de la famille Cyr, qui a habité presque tous les villages de la Haute-Gatineau, se retrouve maintenant à Bouchette.
Réf: Livre historique de Bouchette
Donald Cyr.
Recherche:Daniel Cécire
M. Cécire, vous avez oublier d'inscrire "Collection: Darlene Lannigan" en bas de chaque photo.
RépondreEffacerMerci
Darlene Lannigan