Gatineau, Le nom!

 Par Raymond Ouimet 

L’histoire est muette sur l’origine précise du nom Gatineau donné à la rivière qui coule dans notre ville qui en a fait son nom. Des pistes de recherche permettent tout de même de formuler deux hypothèses sur sa provenance.

C’est Champlain qui relève, pour la première fois, l’existence de la rivière Gatineau. Dans son journal, il écrit que le 4 juin 1613 :



[…] nous passâmes proche d’vne autre riuiere qui vient du Nord, où se tiennent des peuples appelés Algoumequins […] Et quelquefois, ces peuples passent par cette riuiere pour éviter les rencontres de leurs ennemis, sçachant qu’ils ne les recherchent en lieux de si difficile accés. […] À l’embouchure d’icelle il y en a vne autre qui vient du Sud…
Bien que de nombreux autres coureurs de bois et explorateurs aient sillonné la rivière des Outaouais au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, aucun de ceux qui ont écrit une relation de leurs voyages ne semble avoir signalé le nom de la rivière Gatineau. Pourtant, les rivières du Lièvre et Rideau ont été tôt connues sous leur toponyme actuel. Est-ce à dire que la rivière Gatineau est restée sans nom durant deux siècles ou plus ? Cela est pour le moins invraisemblable, puisque notre coin de pays était occupé par les Amérindiens de la nation algonquine bien avant l’arrivée des Européens.
Les Algonquins devaient donc avoir un nom pour la rivière Gatineau comme ils en avaient un pour celle des Outaouais qu’ils appelaient Kichesipi, c’est-à-dire grande rivière.

Le nom Gatineau apparaît pour la première fois au Québec en 1648 quand le soldat Nicolas Gastineau s’établit en Nouvelle-France. Originaire de la paroisse Saint-Eustache, à Paris, Gastineau possédait une bonne instruction et devient, en 1650, commis de la traite des fourrures de la compagnie des Cent-Associés aux Trois-Rivières. Ayant plus d’une corde à son arc, il occupera le poste de greffier et de tabellion, aux Trois-Rivières, avant de devenir juge-prévôt et marchand de fourrures au Cap-de-la-Madeleine. Nicolas Gastineau a-t-il parcouru la rivière Gatineau ? Cela est possible. Mais selon l’historien Raymond Douville, qui a potassé les minutiers des notaires de Trois-Rivières du régime français, deux des fils de Nicolas Gastineau, Jean-Baptiste et Louis, avaient établi un poste de traite de fourrures ou du moins un relais sur la pointe située à l’embouchure de la rivière Gatineau dans le dernier tiers du XVIIe siècle.

En 1783, le lieutenant David Jones désigne la rivière Gatineau sous la forme de River Lettinoe dans un rapport qu’il adresse au gouverneur Haldimand. Et quand l’arpenteur Joseph Bouchette fait la description topographique de la région en 1815, il signale la rivière sous le toponyme de Gatineau. Plus tard, en 1831, le lieutenant-colonel John By dresse un plan du canal Rideau sur lequel la rivière est appelée Gatteno alors que « R. Gatineau » apparaît sur les cartes de William Henderson (1831) et Thomas Devine (1861). Dans une lettre qu’il écrit à M. Patrick Phelan le 22 mai 1838, Mgr Lartigue reprend le toponyme Gatineau.

Peut-on conclure que les Gastineau sont à l’origine du nom de la rivière qui coule dans notre ville ? Cela n’est pas assuré. Il se pourrait bien que le toponyme Gatineau ne soit qu’une forme évoluée d’un nom amérindien. En effet, dans sa Relation des traverses et avantures d’un marchand voyageur dans les terrytoires sauvages de l’Amérique septentrionale, parti de Montréal le 28e de mai 1783, écrite en 1830, le coureur des bois Jean-Baptiste Perrault montre la rivière Gatineau sur deux cartes dessinées de sa main. Sur la première, la rivière porte le nom de Nàgàtinong, et sur la seconde, celui de Agatinung. Ce sont là deux toponymes à consonance amérindienne dont la prononciation se rapproche singulièrement du nom Gatineau une fois la première syllabe éliminée : gàtinong et gatinung. Mais comme les langues ont la faculté de s’interpénétrer, on ne saurait dire, à coup sûr, laquelle a influencé l’autre dans le cas présent. Enfin, notons qu’en 1763, quand le premier Anglais, Alexander Henry, s’aventure sur la rivière des Outaouais, il passe totalement sous silence l’existence de la rivière Gatineau alors qu’il remarque celle du Lièvre, ce qui semble suggérer que sur les rives de la première il n’y avait aucun vestige d’un ancien poste de traite.

Gatineau, toponyme d’origine amérindienne ou tiré du patronyme de la famille Gastineau ? Le débat est ouvert.

Recherche, Daniel Cécire

sources
ANQ, correspondance de Mgr Jean-Jacques Lartigue, évêque de Montréal.
BARBEZIEUX, Alexis, Histoire de la Vallée de l’Ottawa, Ottawa, 1898.
CHAMPLAIN, Samuel de, Les voyages du sievr de Champlain, xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy en la marine, Paris, Jean Berjon, 1613.
CORMIER, Louis-P., Jean-Baptiste Perrault marchand voyageur parti de Montréal le 28e de mai 1783, Montréal, éd. du Boréal Express, 1978.
DOUVILLE, Raymond, De Nicolas Gastineau sieur Du Plessis à Maurice Le Noblet Duplessis, in « Les Cahiers des dix », Québec, 1974.
DUNN, Guillaume, Les forts de l’Outaouais, Hull, éd. du Jour, 1975.
GAFFIELD, C. et al., Histoire de l’Outaouais, Montréal, IQRC, 1994.
Noms et lieux du Québec, Commission de toponymie, Gouvernement du Québec, 1996.
SULTE, Benjamin, Gatineau : la rivière et la famille, in « Asticou » no 28, juillet 1983, Société d’histoire de l’Ouest du Québec.

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