CASTOR-BLANC

Mémoir du père joseph-Étienne Guinard

CASTOR-BLANC

À Castor-Blanc, à huit milles au nord du Moulin des pères, (Aumond) sur l'ancien chemin qui menait à Baskatong, vivait une vingtaine de familles. Tous les trois mois, nous y donnions mission dans une petite chapelle misérable. Au fond, c'était une maison ordinaire.  Seule une croix de deux pieds montée sur le dessus de la façade indiquait sa qualité de lieu saint.  Malgré sa simplicité, son extérieur non lambrissé, sa construction en pièce sur pièce et son intérieur blanchi à la chaux. il faut reconnaître que nous avions là un  bâtiment proprement tenu par les femmes du petit village.

Nous vendions les bancs.  Je me souviens d'un nommé Auguste Bélair, un vieux célibataire, qui avait acheté trois bancs pour lui seul, dans le but de faire monter les prix.  Un autre vieux, responsable d'une famille nombreuse, mais débrouillard et ingénieux comme dix.
se querellent avec les pères supérieurs de Maniwaki. Il s'appelait Sévigny.  Pour la chapelle, il avait beaucoup puisqu'en plus de donner le terrain. il l'avait construite. Mais par la suite, les choses se gâtent.  Sévigny gardait un baril d'alcool à la maison et les pères supérieurs incitèrent, avec succès, quelques Indiennes à défoncer ce baril à coups de hache afin de s'assurer que leurs maris n'y touchent jamais.  De plus, un jour qu'il était absent, on vendit son banc à quelqu'un d'autre.  Ces tracasseries provoquèrent la colère de Sévigny qui, bien qu'ayant une solide foi en Dieu, se mit à parler contre les pères et à faire scandale en refusant de pratiquer sa religion.  Cela dura vingt ans.  Je fus celui qui le ramena à l'Église. Un incendie de forêt faillit détruire sa maison et ses bâtiments.
  Au plus fort du sinistre. il s'en remit à Dieu,  implorant de sauver ses biens.  Selon toute évidence,
Dieu l'entendit puisque ses biens furent épargnés. Comme je pensionnais toujours chez lui durant mes séjours à Castot-Blanc et aussi parce qu'il m'aimait bien, tout en détestant mes supérieurs, il fut assez facile à ce moment-là et avec l'aide de sa femme, de le convaincre qu'un homme ne pouvait pas s'en aller comme cela en se faisant entendre de Dieu sans en même temps fréquenter la chapelle, communier et se confesser. À la grande joie de tous, il revint à l'Église après une longue absence que Dieu lui pardonnait sûrement.
À Castor-Blanc vivait Vital Popvin, un homme d'une force herculéenne comme on en rencontre un peu partout dans les petits villages de la province de Québec.  Il ignorait sa force, ne s'en servait guère et, comme c,est souvent le cas, il donnait surtout l'impression d'être doux, calme et bon. Un jour d'hiver il descendait à Ottawa dans une traîne à bâtons, accompagné d'un petit garçon . Sur son chemin, dans un "stopping place" il rencontre des orangiste qui, eux, montaient de grosses charges de foin dans les chantiers.  En anglais, ils lui demandèrent de leur laisser le chemin.  Vital ne comprenait pas l'anglais et en conséquence, il ne réagissait pas.  Vital, étant très pauvre, ne portait pas un vrai "capot" mais bien une couverture de laine jetée sur les épaules.  les Anglais se moquaient de ce drôle de bougre, de ce colon mal vêtu. Vital voyait bien qu'on l'insultait, mais sa réaction se fit attendre jusqu'à ce qu'un Anglais le traite, en francais, de "maudit francais de catholique".  les chevaux étaient nez à nez  à ce moment-là. Vital descendit de la traîne, laissant les guides au petit garcon, et se mit calmement à renverser les voyages de foin hors du chemin.  Après en avoir culbuté deux ou trois, les orangistes comprirent et entreprirent de se frayer un nouveau chemin dans la neige épaisse.  En revenant d'Ottawa, la même scène se reproduisait.  Cette fois-là. cependant, Vital s'attaqua avec ses poings à tout le groupe des orangistes.  Il les fauches tous. Ces événements le rendirent fort populaire dans la région.



Lorsqu'on construisit une nouvelle route pour Baskatong, Castor-Blanc disparut.  Les familles déménagent à Sainte-Famille-d'Aumond.  Toutefois, le vieux cimetière est encore visible aujourd'hui (Saint-Cajetan).
À l'époque où j'ai connu les gens de Castor-Blanc, beaucoup  s'adonnaient au trappage des animaux à fourrure dans les forêts environnantes.  je me souviens particulièrement de Jean-Baptiste Potvin et de son père Olivier qui, tous les hivers, pratiquaient cette activité avec succès.  mais la vie de trappeur est très dure pour les colon et il fallait une grande protection de la sainte Vierge pour les sauver des multiples danger de la forêt hostile. Tous le reconnaissaient humblement.





Auteur. Père joseph-Étienne Guinard
Recherche, Daniel cécire


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