La désert

La désert



 À peine débarqué au Canada à l’été 1844, le père Oblat Talmont est appelé à marcher le terrain à l’embouchure de la rivière Désert pour identifier une zone agricole intéressante où sédentariser les Anishinàbeg de l’Outaouais. Pour donner suite à cette reconnaissance des lieux, l’évêque Ignace Bourget de Montréal, alors responsable de la région, demande au Sulpicien Joseph Désautels, missionnaire sur la Gatineau, de trouver un bâtiment d’où 2 ou 3 Oblats pourraient rayonner auprès des Anishinàbeg, des forestiers et des premiers colons.



Une présence millénaire
Depuis l’apparition de la vie animale sur le Plateau laurentien, Bouclériens d’abord, leurs descendants Anishinàbeg par la suite, séjournent à l’embouchure de la rivière Désert. Site d’un cimetière ancestral et de la danse sacrée assurant force et unité, l’endroit, appelé Kitigan Zibi, fourmille d’esturgeons au printemps alors qu’un petit désert permet une culture rudimentaire de la courge et du maïs.
Connus depuis le passage de Champlain sur l’Outaouais en 1613, les Anishinàbeg ont alors multiplié leurs prises de castors afin de répondre à la demande européenne. Cette alliance économique avec les Français leur a toutefois valu l’hostilité grandissante des Mohawks. Après s’en être éloignées pendant le XVIIe siècle, les familles reviennent à Kitigan Zibi après la Paix de Montréal signée par leurs agresseurs en 1701. Suivant la chute de la Nouvelle-France en 1760, le réseau des fourrures de l’Outaouais se transforme. Les échanges de la pointe à Gatineau se déplacent maintenant vers le nord : un comptoir d’acheteurs montréalais ouvre ses portes à l’embouchure de la Désert en 1821. Le printemps venu, le commis Alex McGruer procédera à la traite alors que les Sulpiciens Jean-Baptiste Roupe et Joseph Désautels y célèbrent des offices religieux : fils de Marie Assakamikijikokwe et Joseph Tekwanens, le petit Pierre devient le premier baptisé sur le territoire diocésain de Mont-laurier le 31 mai 1843.

Des forestiers envahissants
Avec l’aménagement d’une première route terrestre jusqu’aux abords de la Désert en 1833 et le déboisement de la ferme d’approvisionnement de Philémon Wright l’année suivante, les coups de hache font fuir les animaux de la forêt, clé de la survivance autochtone millénaire. La sérénité des Anishinàbeg fait maintenant place à l’inquiétude. Réalisant leur détresse, l’Oblat Thomas Clément leur propose de demander la concession officielle du territoire qu’ils occupent afin de le retirer de la coupe forestière.
Au printemps 1845, en canot, la requête est acheminée au Gouverneur-Général Elgin à Kingston par Luc-Antoine Pakinawatik et quelques braves; elle demeure toutefois sans réponse. Trois ans plus tard, appuyés de l’évêque Bruno Guigues d’Ottawa, les autochtones renouvellent leur demande malgré l’opposition de l’entreprise forestière Gilmour. Astucieusement afin de plaire aux autorités, les Anisninàbeg soulignent leur intérêt pour la colonisation agricole souhaitée par les Oblats, à qui sont réservées 60 000 acres demandées.

L’apport des Oblats
Dans l’attente de la réponse gouvernementale, les Oblats font naître modestement la paroisse de L’Assomption de Marie. Surla rive droite de la Désert, ils occupent «la rudimentaire maisonde Passenjéwa» qu’ils aménagent en chapelle. De là, leur apostolat s’étend aux Anishinàbeg, aux forestiers et aux premiers colons de la Haute-Gatineau et de la Haute-Lièvre. Le gouvernement canadien se manifeste finalement en 1853; le territoire de Kitigan Zibi accueille alors 25 familles arrivant d’Oka.
Héritier de ce territoire familial de chasse depuis 2 siècles, Luc-Antoine Pakinawatik devient chef de la communauté et gardien des 4 précieux wampums racontant l’histoire du peuple Anishinàbeg. L’année 1853 est aussi marquée par l’arrivée de l’énergique père Régis Déléage à Maniwaki; la terre de Marie des Oblats. La jeune paroisse s’engage alors dans une profonde transformation. En réponse à l’appel du père de venir s’établir, plusieurs colons canadiens-français et irlandais de Gloucester en Ontario, s’amènent, nécessitant bientôt la construction d’un nouveau bâtiment paroissial : un édifice de trois étages avec chapelle et logis pour les Oblats. Confiant dans l’avenir de Maniwaki, le père Déléage fait construire un premier moulin à scie à la chute des Eaux; emporté par les glaces de la Gatineau au printemps 1858, le moulin est reconstruit sur la rivière Joseph, donnant ainsi naissance à Sainte-Famille d’Aumond.
En décembre 1867, le père Déléage sollicite la générosité de ses paroissiens en vue d’ériger une véritable église et un presbytère en pierre. Deux ans plus tard, l’évêque d’Ottawa bénit la pierre angulaire du beau temple dessiné par l’architecte Victor Bourgault alors que certains paroissiens y voient déjà la cathédrale d’un diocèse dans le nord de l’Outaouais. Juchée au sommet du clocher de 35 mètres pendant une décennie, l’imposante statue de la Vierge Marie est remplacée par une croix métallique après sa destruction par la foudre en 1881.
Auteur Luc Coursol
Recherche Daniel Cécire

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